Entretien avec le Consul Général Benjamin Nana : ‘’ Nous partons d’Abidjan satisfait du devoir accompli ’’

Depuis le samedi 30 septembre 2023 en début d’après-midi, Benjamin Nana est à Ouagadougou, après avoir servi avec abnégation et magnanimité, quatre années durant, ses compatriotes en Côte d’Ivoire en qualité de Consul Général à Abidjan. A la veille de son départ, le Diplomate s’est ouvert à votre média préféré Diaspo24.info et à Hakiiqa. Il cite les innovations qu’il a pu instaurer au cours de son magistère, et salue le dévouement de ses collaborateurs, mais aussi le dialogue avec la communauté burkinabè qui a toujours prévalu, toute chose qui explique le succès de sa mission.
En prenant fonction il y’a un peu plus de 4 ans, en qualité de Consul Général du Burkina Faso à Abidjan, vous aviez décliné votre vision et indiqué à vos compatriotes, comment vous comptiez vous y prendre pour accomplir au mieux votre mission, avec efficacité. Au moment où vous quittez vos fonctions pour le Faso, avez-vous le sentiment d’avoir fait ce que vous devriez faire ?
Nous n’avons pas la prétention d’avoir réussi à 100% notre mission, mais nous pensons que sur le volet protection consulaire, nous avons pu au mieux, à travers les missions consulaires, toucher le plus grand nombre de Burkinabè de notre circonscription. Plus concrètement, nous avons pu parcourir les 9 régions que compte la circonscription du Consulat général d’Abidjan. La dernière mission s’est déroulée au mois d’aout 2023 dans le Moronou, où nous avons pu séjourner à Bongouanou, à Arrah et à M’Batto. Au niveau du District autonome d’Abidjan, nous avons pu entamer une mission consulaire, qui a été une innovation. C’est la commune de Port-Bouet qui a été retenue. A cette occasion, il nous a été donné de rendre des visites de courtoisie aux autorités ivoiriennes, notamment au Commandant supérieur de la Gendarmerie, au Préfet de police, au Directeur Général de la Police nationale. Tous ces échanges ont été fructueux, le carnet d’adresses a été étoffé, avec la promesse d’être à l’écoute de la communauté burkinabè.
Vous l’avez dit, vous avez pu allier diligences de Bureau et visites de terrain ou tournées de proximité. Quelles leçons tirez-vous desdites tournées, justement ?
A travers les missions consulaires, a priori c’était la proximité, c’était de porter les informations sur la nécessité d’avoir les documents d’état civil, les documents d’identité, les documents de voyage, mais également de donner des nouvelles de notre chère patrie, faire en sorte que ceux qui sont loin de la mère patrie puissent savoir qu’il y’a des opportunités, les inciter à investir au Faso. A chaque fois, nous avons pu trouver les mots pour apaiser les cœurs, donner le sourire. De façon concrète, le contexte, à notre arrivée, était que beaucoup de gens se retrouvaient au Consulat pour se plaindre du retard mis pour obtenir la carte consulaire. A ce moment, il y’avait des retards de 45 jours voire de 2 mois. De nos jours, le requérant qui s’enrôle peut avoir en 1 semaine sa carte consulaire ; ce qui est réellement une avancée mais ça a été une longue lutte. Parce que nous avons mis en place un Cadre de Concertation entre le Consulat général, la Coordination des Délégués CSBE et Délégués Consulaires et les responsables désignés de SNEDAI. Au fur et à mesure qu’il y’avait des difficultés, nous avons essayé de privilégier le dialogue. Lorsque nous effectuions les visites consulaires, ces questions étaient très préoccupantes, mais de nos jours elles ne sont plus évoquées. Une autre préoccupation, c’était je ne dirai pas les tracasseries, mais les contrôles d’identité, où étaient exigés des certificats de résidence aux détenteurs de cartes consulaires. De nos jours, on assiste de moins en moins à ce fait. Ce qui est une autre avancée, puisque à force d’aller vers les autorités compétentes, nous sommes parvenus à nous faire comprendre, pour que nos interlocuteurs puissent comprendre que nos cartes consulaires sont des cartes biométriques sécurisées.
En quatre années et demi, vous avez ouvert beaucoup de chantiers. Quel est le chantier dont vous êtes fier ? A contrario, qu’est-ce que vous ne feriez plus, si c’était à recommencer ?
Comme satisfaction, il y’a eu beaucoup de points puisqu’il y’a eu tellement d’innovations. Mais je citerais en premier lieu cette Journée de solidarité et de partage en faveur des veuves et nécessiteux. Rien qu’au niveau du Consulat, nous avons pu répertorier plus de 600 veuves affiliées à la CNPS de Côte d’Ivoire. A travers ces journées, nous avons pu faire savoir que ces personnes sont avant tout des Burkinabè et faire en sorte qu’elles se sentent réconfortées par notre solidarité. Ce que nous leur donnons ce jour-là, ce n’est pas grand-chose, mais c’est cet attachement, le fait de leur faire savoir que leurs autorités pensent à elles, était pour nous une nécessité. A la première édition, nous avons eu une centaine de veuves, à la deuxième édition près de 300 et c’est aller jusqu’à 400 bénéficiaires.
Et quelle est votre insatisfaction ?
J’avoue n’en avoir pas eu en tant que tel. Nous avions à l’idée la formation du personnel et celle des délégués. Pour ce qui concerne le personnel, vous savez que c’est une question de budgétisation. Mais pour les délégués, comme nous avions des réunions mensuelles, ce sont des cadres de rencontres et d’échanges qui tiennent lieu de formation, et nous avons le guide du délégué. Dans l’ensemble, je note beaucoup plus de satisfactions que d’insatisfactions.
Monsieur le Consul Général. Nous allons vous y aider. Vous êtes un haut Cadre de l’administration burkinabè, laquelle est très respectueuse de l’heure et de la ponctualité. Est-ce que les retards mis par vos compatriotes pour commencer des activités auxquelles vous devriez participer ne vous ont pas importuné ?
Effectivement, c’est arrivé à plusieurs reprises. Mais en ce qui concerne mes collaborateurs, je dois dire que ce sont des gens aguerris, qui descendent souvent à des heures tardives. Vous savez que les deux jours fériés, mes collègues sont venus travailler dans le cadre des missions consulaires chargées d’établir les documents d’identité et les documents de voyage. Pour les activités externes, une fois, je devais assister à une cérémonie, une nuit culturelle. A l’heure indiquée, j’étais sur le site de la cérémonie et là, même les organisateurs n’étaient pas sur les lieux. Sinon en termes de ponctualité, nous avons fait ce que nous pouvons, nous avons été à des activités des artistes où aux 72h du Burkina jusqu’à 3 heures du matin. C’est aussi cela le rôle d’un Consulat général. C’est de protéger les Burkinabè vivants dans la circonscription ; ou bien pour tout burkinabè de passage, nous sommes dans l’obligation de leur accorder protection.
A votre arrivée, on vous a certainement parlé d’une communauté burkinabè indomptable. Quand on revoit le film de la cérémonie en votre hommage pour la fin de votre mission le samedi 23 septembre 2023, on observe que cette communauté n’est plus si indomptable que cela. Quel a été votre secret, l’effet Benjamin Nana, pour rassembler autant de compatriotes ou de chefs qui ne se disaient pas jadis bonjour ?
Je crois qu’à l’origine, c’est cette parfaite cohésion entre l’Ambassade et les Consulat généraux, parce que lorsque nous nous mettons d’accord sur l’essentiel, nous parvenons à des résultats probants. Et nous disons chaque fois qu’il faut privilégier le dialogue. Il faut respecter l’usager qui vient ou qui part d’ici. Dès notre portail, vous verrez que le vigile qui tutoyait les gens, les vouvoie aujourd’hui. Il a changé de comportement. Tout cela compte. Trouver le langage, le mot qu’il faut à adresser à l’usager. Vous avez dû remarquer que nos collaborateurs et nous, n’avons pas de pause. Si on a pu gagner 30 mn pour nous-mêmes, c’est un maximum. Vous voyez qu’au lieu d’une centaine de requérants, nous recevons de nos jours entre 200 à 300 requérants de cartes consulaires qu’il faut satisfaire au quotidien. Lors de l’opération qui est actuellement en cours, mes collaborateurs vont parfois jusqu’à 22h. Pour cela, je leur tire mon chapeau.
Un aspect que nous avons retenu de vos déplacements à l’intérieur, c’est la visite aux détenus y compris à ceux de nationalités autres que burkinabè. Lors de ces visites, quel message ils vous transmettaient et quel message vous leur portiez ?
Je dois rendre hommage aux autorités judiciaires et aux autorités de l’administration pénitentiaire, parce que à chaque fois que nous sommes allés en mission consulaire ou bien programmé des visites aux détenus, ces autorités nous ont facilité la tâche. La dernière visite en date, c’était à Bongouanou, c’était émouvant. Nous avons rencontré les détenus burkinabè et échangé avec eux. Le régisseur de la Maison d’Arrêt, nous a demandé si nous voulions échanger avec les détenus d’autres nationalités et c’est ce que nous avons accepté. Lorsque nous y sommes arrivés, ils étaient rassemblés en grands nombres. Nous leur avons demandé de voir, à travers nous, le représentant de leurs pays respectifs et nous leur avons demandé de bien se comporter en milieu carcéral et de savoir que les Ambassades et Consulats de chaque pays sont à leur disposition. A leur sortie, on les accompagnera pour avoir leurs documents. Ce qui est intéressant, du fait de ces visites, nous sommes parvenus, en faisant les recoupements, à donner les informations à certains parents de détenus qui n’étaient pas encore jugés, et dont les parents ne savaient même pas où est leur fils détenu. Ces familles peuvent maintenant faire le suivi et leur rendre visite. Nous avons aussi commandité des missions consulaires au cours desquelles le Conseiller juridique est allé à la rencontre des procureurs et présidents de tribunal pour des cas spécifiques de burkinabè incarcérés.
Quel est le message particulier que vous transmettez à vos compatriotes au moment de les quitter ?
C’est dire un grand merci à la communauté burkinabè. Cette communauté qui s’est mobilisée le samedi dernier (samedi 23 septembre 2023, NDLR). Ce que nous avons vécu ce jour, de ma carrière de diplomate, ça a été une journée mémorable. Voir les Burkinabè venir de la circonscription consulaire d’Abidjan et même d’au-delà, c’est-à-dire Yamoussoukro, Diégonéfla, Soubré San Pedro. A travers nous, c’est la mission diplomatique qui a été honorée. Nous avons noté la présence de l’ambassadeur de la Russie, l’Ambassadeur de la Paix des Nations Unies, les Consuls généraux et honoraires des pays d’Afrique, la Reine Mère de la CEDEAO des Peuples et des communautés d’Afrique qui elle-même est une personnalité morale très respectée en Côte d’Ivoire. Au-delà de notre personne c’est tout le Burkina Faso qui a été honoré. En résumé, c’est une quarantaine de distinctions reçues ici au niveau du Consulat général, qui viennent de structures privées, de personnes physiques et morales tant au niveau de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso qu’à l’international, à Casablanca. Merci pour tout cela. Ça me fait honneur et ça fait honneur au pays.
Où se poursuit votre mission, précisément dans quel service à Ouagadougou ? et Votre départ d’Abidjan vous inspire-t-il d’écrire vos mémoires ?
Nous allons servir au Ministère. C’est la Centrale, au Ministère des Affaires Etrangères. Oui après cette riche expérience, je crois que nous allons, pour la postérité, faire œuvre utile afin que les jeunes frères qui embrassent la carrière diplomatique puissent également profiter de notre expérience de praticien de la diplomatie sur le terrain. Nous avons eu cette chance de faire le bilatéral et puis de gérer les questions consulaires de façon spécifique. J’ai eu des collaborateurs très disponibles et ça a joué dans la réussite de notre mission. Nous n’avions pas de jours rigides d’audiences. Il est arrivé des week-ends où nous sommes venus au Bureau recevoir des gens parce que leur agenda ne leur permettait de venir à nous les jours ouvrables. Il faut mentionner le fait de pouvoir nous saisir 24h sur 24 et 7 jours sur 7 à travers un numéro de téléphone mobile mis à la disposition de la communauté. Tout ceci a été des innovations, comme la journée de don de sang, des journées de dépistage de tensions, du diabète avec le soutien de l’amicale des étudiants médecins burkinabè. Nous partons d’Abidjan satisfait du devoir accompli. C’est le lieu de rendre hommage aux plus hautes autorités du Burkina Faso pour la confiance placée en nous. Partout où nous serons, nous resterons toujours mobilisés pour apporter notre soutien à la communauté burkinabè dans son ensemble.
Entretien réalisé par Diaspo24.info et Hakiiqa, le vendredi 29 septembre 2023
 Benjamin Nana, est rentré au Faso après avoir passé 4 ans et demi comme Consul Général à Abidjan
 Le Consul Général à droite face aux Reporters Badini (en bleu) et votre serviteur
 Le Consul Général Benjamin et le Consul Adjoint Ousseini Ouédraogo (en blanc)

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